lundi 21 novembre 2011

Calvaire des enfants immigrés dans des écoles Sud-Africaines



"Les directeurs d’écoles empêchent les refugiés et les enfants des immigrés de se faire inscrire dans leurs écoles. Ce genre de rapport, je ne compte plus le nombre de fois que je l’ai entendu", dit Jacques Kamanda du Cordinating Body of Refugee Communities de Johannesburg. D’origine RD Congolaise, il était l’un des 80 participants à un atelier de travail organisé la semaine du 7 novembre  par le Centre pour les Droits d’Education et la Transformation de l’Université de Johannesburg.

C’était le second des trois ateliers de travail prévus et auxquels les mouvements sociaux Sud-Africains, les ONG et organisations des refugiés qui sont d’ailleurs au cœur de la recherche annuelle du Centre, laquelle était consacrée au  droit d’éducation des refugiés, des immigrants et migrants.

"C’est simplement une question d’argent", déclare Kamanda. "Les directeurs d’école considèrent qu’inscrire les enfants des refugiés c’est une perte d’argent puisque nombre d’entre eux ne sont pas à même de payer les frais scolaires de leur progéniture". 

La compensation des écoles

"Le gouvernement devrait prendre des dispositions pour s’assurer que les écoles obtiennent des compensations pour ceux des élèves exemptes de payer les frais scolaires". Dans son mot de bienvenu, Yasmin Sooka, Directrice générale de la Foundation for Human Rights, s’est référée aux attaques xénophobiques de 2008 aux cours desquelles beaucoup d’étrangers furent parmi les plus de 60 victimes ainsi que des centaines de blessés. "Quel genre de personnes sommes-nous pour traiter les autres comme cela ?" a-t-elle demandé à l’assistance. "Le racisme n’a pas encore disparu du pays et la xénophobie augmente d’ampleur chaque jour", a-t-elle déclaré, considérant l’étude menée par le Centre comme étant "cruciale".

"L’Afrique du Sud a besoin de nombreux programmes qui peuvent conduire nos compatriotes à examiner de près les difficultés auxquelles les immigrants sont confrontes et il était tout indique d’étudier ‘l’économie politique’ de la xenophobie pour réellement savoir qui parmi nous tire quelque avantage de la xenophobie". Elle a en outre déclaré à Mail & Guardian que "les immigrants ont autant droit à l’éducation que les autochtones".

Comment s’occuper d’un énième enfant

Mme Yasmin Sooka a aussi déclaré que cette impasse dans laquelle on se trouve est sans doute due au fait que "les difficultés auxquelles nous faisons face dans ce pays sont tellement énormes (pauvreté généralisée, le manque d’accès à l’éducation par beaucoup et le manque de ressources…)  que les structures administratives comme les directions d’écoles sont simplement dépassées et ne savent que faire lorsqu’elles sont en face d’un énième élève".

Abraham Serote, Directeur adjoint du National Department of Basic Education Social cohesion and Equity directorate a déclaré pour sa part à cette occasion que "le manque de documents officiels ne pouvait constituer en aucune façon un obstacle à l’accès à l’éducation d’un quelconque enfant d’immigré. Même s’il arrivait que l’élève ne brandit pas son Acte de naissance, il peut toujours être inscrit, à charge pour ses parents de fournir le document endéans trois mois". Il a dit que les parents devraient présenter un certificat de naissance ou faire une déclaration sous serment (affidavit) avec les indications relatives à l’identité de l’enfant dans les trois mois qui suivent son inscription. Cependant, a-t-il ajouté, "cela ne constitue pas une raison pour renvoyer l’enfant de l’école si le document exigé n’était pas disponible. Cela ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant", a déclaré M. Serote.

Il s’est référé ensuite au South African Schools Act [la loi qui régit l’éducation dans le pays] qui stipule que les écoles sont tenues d’informer les parents des élèves inscrits des droits et obligations de leurs enfants. "Dans cette loi, il est aussi prévu le droit d’être exempté des frais scolaires. Mais cela ne se fait pas toujours", a-t-il déploré. Les parents des enfants dont l’inscription a été rejeté peuvent toujours faire un recours auprès du ministère provincial de l’éducation, à déclaré M. Serote.

Rien d’autre qu’une astuce

Un membre de l’audience rappela a l’assistance le cas d’un ami pour lequel l’école avait exige la présentation d’une déclaration de sa banque avant de procéder à l’inscription. "Cela était illégal. Ce n’est rien d’autre qu’une astuce utilisée par les directeurs d’écoles  pour ne pas inscrire les enfants des refugiés étant donné qu’ils considèrent comme une perte d’argent". Voilà ce que M. Vaughan Holmes, Directeur du Département de l’Education de la province de Gauteng a déclaré à Mail & Guardian.

L’accès à l’école est un droit qui ne peut dépendre des moyens financiers, a dit M. Holmes. Dans notre constitution, le droit à l’éducation de base n’est pas conditionné. Vous ne verrez pas inscrites des formules comme « si les moyens financiers sont disponibles » à l’instar de beaucoup d’autres dispositions socioéconomiques a-t-il ajouté.
Gabriel Hertis, Secrétaire général de Migrant Community Board d’Afrique du Sud a dit pour sa part qu’il était courant que les immigrants vivent dans des zones ou l’accès à l’internet et le fax était disponible pour les aider à chercher du travail. Yeoville à Johannesburg était l’un de ces lieux. Mais malheureusement beaucoup d’enfants des immigrés n’étaient pas scolarisés à cause des contraintes financières auxquelles les parents font face ainsi qu’au manque d’écoles. Cela implique que lorsque les parents s’absentent pour chercher du travail ou même aller en faire, les enfants étaient abandonnes à eux-mêmes.

Plus à l’abri dans les parcs qu’à la maison

Puisque beaucoup de familles partagent le même appartement en tant que colocataires, certains parents jugent utile de laisser leurs enfants dans les parcs publics dans la journée avec l’espoir qu’ils y seront plus en sécurité qu’à la maison. Judith Majoro, d’origine Zimbabwéenne et manager de "iThemba Study Centre" qui a été ouvert en janvier dernier, a déclaré qu’elle se rendait souvent dans les parcs demander aux enfants pourquoi ils ne sont pas à l’école. "Beaucoup répondent que leurs parents manquent des moyens pour les faire inscrire à l’école. iThemba Study Centre prend alors ces enfants et les enseigne pendant qu’ils attendent des écoles disposées à les inscrire", a-t-elle déclaré.

Le centre en question est composé d’enseignants bénévoles et s’’est fixé pour objectif de poursuivre l’éducation de tels enfants pendant que leurs parents font des démarches en vue de leur inscription dans une autre école. "Parfois, ce qui pousse les parents  à ne pas inscrire leurs enfants c’est leur peur d’être découvert par les autorités comme personnes n’ayant pas des documents du Home Affairs. Ils préfèrent alors ne pas se présenter dans des écoles", a déclaré Mme Manjoro.  Elle avait apporté 4 élèves Centre et les a présenté à tous : "celui-ci vient du Nigeria, celui-ci du Zimbabwe, celui-ci du Congo et le dernier d’Afrique du Sud".

Rejetés par trois écoles

La mère d’un des enfants de 10 ans originaire du Nigeria a révélé avoir tenté de l’inscrire ainsi que ses deux frères dans trois écoles publiques de Yeoville [Johannesburg] mais il lui a été répondu qu’elle devait présenter d’abord les attestations de naissance des enfants avant qu’ils soient inscrits, a dit Mme Manjoro. 

Kenneth Tafion, d’origine zimbabwéenne qui est professeur à Wits University de Johannesburg a pour sa part critiqué l’usage des termes tels "étrangers illégaux" dans des documents publics tels le South African Schools Act. Il rappela à l’assistance le slogan lancé après les attaques xénophobiques de 2008 qui disait "personne n’est illégal".


Traduit de l’article "The burden of being illegal" de Victoria John paru dans "Mail & Guardian" de Johannesburg du 17/11/2011


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