mercredi 14 décembre 2011

Parvenir à une autre perception des migrants en Afrique du Sud




En 1999, deux jeunes guinéens, Yaguine  Koita (15) et Fode Tounkara (16), furent trouvés morts dans le train d’atterrissage d’un long courrier à l’aéroport de Bruxelles, en Belgique. Dans la poche de l’un d’eux, il y avait une note où était écrit ceci qui suit : “… Nous sollicitons votre solidarité … si vous nous voyez sacrifier et perdre ainsi nos vies, c’est à cause d’une trop grande souffrance....aidez-nous à faire face à la pauvreté et à la guerre…pardonnez-nous d’avoir eu l’audace de vous écrire cette lettre".

Les chercheurs du Centre pour les Droits d’Education et la Transformation de l’Université de Johannesburg avaient fait le choix de mettre un extrait de cette lettre en couverture de leur brochure parue en 2005 sur les droits à l’éducation des refugiés, demandeurs d’asile et migrants en Afrique du Sud. L’objectif visé à travers la publication était d’encourager une compréhension plus approfondie sur les immigrés mais aussi susciter plus de compassion à l’égard des difficultés auxquelles font face les migrants dans le pays.

Tout en tenant compte des travaux ultérieurs, les auteurs ont, après une année de recherche abouti à la conclusion selon laquelle la violation des droits à l’éducation des refugiés et migrants est très répandue en Afrique du Sud.
Mais l’étude fait aussi état d’une grande flexibilité des immigrants eux-mêmes. Pour preuve, elle passe en revue diverses initiatives émanant de différentes organisations des migrants sans oublier la coopération entre ces dernières avec leurs consœurs sud-africaines.

Cette recherche a été menée sur base des interviews d’élèves et des parents d’élèves conduits sur terrain dans trois zones différentes (milieux rural, urbain et des townships) dans les provinces de Gauteng, Limpopo et le Western Cape. Aux yeux des auteurs, cinq facteurs forment le goulot d’étranglement à la scolarisation des enfants des migrants en Afrique du Sud.

Ce sont respectivement le coût élevé de l’éducation, l’ignorance de la loi dans le chef des autorités tant scolaires qu’administratives, le manque de prise de droits à l’éducation par les migrants, l’absence des papiers et la xénophobie ou les pratiques discriminatoires dans les milieux scolaires.

Les sujets couverts par les témoignages récoltés par les chercheurs incluent l’accès aux services sociaux et à l’éducation, ils abordent les questions liées au rôle du rôle de l’homme et celui de la femme dans la société, sans omettre celui des mineurs non accompagnés et tous les facteurs qui empêchent les migrants de prendre une part active aux activités communautaires.

Résilience et solidarité
Etaient inclus dans les témoignages récoltés par les chercheurs des récits comme celui d’un jeune orphelin somalien de 17 ans qui dut traverser le Kenya et la Mozambique avant d’atteindre l’Afrique du Sud. Dans ses "Pérégrinations" il a reconnu qu’il existait à travers le continent africain un réseau basé sur la solidarité et non l’argent.

C’est dans la même veine que Mary Tal, immigrée camerounaise, a créé une association en 2007 qui vise à "préparer les femmes refugiées à s’adapter à la vie en Afrique du Sud", car selon beaucoup de ces femmes, "vivre en Afrique du Sud est un véritable enfer" confie Mary Tal. L’association en question a aidé beaucoup de femmes en leur fournissant l’information nécessaire  en vue de l’éducation de leurs enfants ainsi que leur accès dans les établissements scolaires.

Les chercheurs citent aussi le cas de Tante Zulekha, somalienne d’origine, qui a brisé les clichés habituels du rôle passif de la femme dans la société somalienne en se montrant une défenseure acharnée des droits à l’éducation tant des garçons que des filles  au sein de sa communauté.

Le rôle de plus en plus majeur que jouent les organisations sociales sud-africaines qui travaillent avec les migrants est mis en exergue par l’étude du Centre. Par exemple il y est question de Hlatshwayo Mokolo qui appartient au Kganga Consortium et est en même temps membre de l’Organge Farm water crisis committee. "Elle dirige aussi une crèche  dans l’Orange Farm qui a la particularité d’accepter tous les enfants, qu’ils soient porteurs des documents ou pas. Mentionner ce détail est important quand on se rappelle que l’absence du certificat de naissance est cité comme l’un des facteurs qui handicapent l’accès aux institutions d’enseignements scolaires ou préscolaires des migrants".

Hlatshwayo a ajouté que les écoles primaires de son voisinage acceptent les bulletins établis par sa crèche et les considèrent comme des documents valides. Cela signifie que les enfants migrants bénéficient de cette disposition étant donné qu’ils peuvent simplement présenter dans les écoles les bulletins de la crèche.

Les chercheurs ont présenté également le cas de l’Association des Somaliens d’Afrique du Sud au Migrant Health Forum qui regroupe les organisations d’assistance sociales sud-africaines et les organisations des migrants. "L’association des Somaliens a sollicité et obtenu que l’Anglais et l’éducation sur le IVH/SIDA soit dispensé aux membres de sa communauté".

 Le chercheur Kara Mackay pour sa part a fourni des exemples qui indiquent que les organisations de la Société Civile telles que People against Suffering, Oppression and Poverty et Agency for Refugee Skills and Advocacy s’efforcent de faire face à la situation là où la présence de l’Etat fait cruellement défaut.

La recherche effectuée par Sellaphi Sibanda dans la province de Limpopo a quant à elle mis a nu les cas des enfants mineurs utilisés dans les travaux des fermes ou domestique souvent non rémunéré et même à la prostitution. Cependant, il faudrait aussi souligner des initiatives positives comme le Children Committe de Musina qui aide les enfants immigrés à s’intégrer à la vie locale. A Cape Town, les chercheurs citent le cas du Children Ressource Centre qui éduque la population contre la xenophobie.


Ceci est une traduction de la première partie de l’article "Lifting the veil on migrants and myths" de Kathleen Chawkowski paru dans le "Mail & Guardian" de Johannesburg du 28/10/2011



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